Pourquoi les ventes de Mac ne seront pas menacées par Windows 7

C’est le buzz du jour : le lancement de Windows 7 ne devrait pas avoir d’impact sur les ventes de Mac. En fait, si on pense le contraire, c’est qu’on a oublié qu’aujourd’hui, ce n’est pas vraiment le système qui vend l’ordinateur, mais ses logiciels. Et cela est vrai pour toute plate-forme.

Je m’étais d’ailleurs posé la question il y a quelques mois : pourquoi Microsoft n’a pas réussi pas à imposer Vista ? Car après tout, si on regarde en profondeur, Vista, malgré ses défauts, ses lenteurs, possède une architecture logicielle autrement plus sophistiquée que XP (et c’est heureux, pourrait-on dire). Vista est un produit qui pourrait se vendre tout seul, mais les clients autant que les vendeurs font de la résistance. Alors, qu’est-ce qui fait que l’on n’a pas envie de passer à Vista, et que de plus en plus de gens passent au Mac quand ils envisagent de changer de machine ?

Certes, les incompatibilités sont une raison non négligeable. Mais je pense qu’il y a une autre raison, à la fois simple et complexe : Vista ne propose aucune « killer app ». La killer app, c’est ce logiciel que l’on voit tourner sur une plate-forme et qui vous fait dire « bon sang, il FAUT que j’ai ce logiciel ! », et donc vous pousser à acheter le dit produit. C’est un truc que les fabricants de consoles ont bien compris : l’arrivée d’une licence comme Final Fantasy sur la PlayStation a sûrement plus contribué à pousser de nombreux joueurs à adopter cette dernière que n’importe quel autre jeu, et ceci parce qu’il créait une rupture technologique et une nouvelle expérience au joueur. Idem pour la GameBoy, qui a bouleversé le marché du jeu portable grâce à… Tetris, vendu avec. Idem pour la Nintendo DS et des jeux comme Nintendogs, ou la Wii avec Wii Sports. En quelques mois, ces produits ont bouleversé le marché en s’imposant grâce à leur logiciel. C’est parce que le logiciel tirait parti du hardware de façon plus ou moins intelligente ou parce que ces logiciels apportaient une nouvelle interaction, une nouvelle dimension que les matériels se sont imposés.

Mais il semble que chez Microsoft, on ait oublié que ce qui fait vendre une plate-forme, ce sont ses logiciels. La plupart des logiciels qui sortent sur Vista doivent également être compatibles avec XP… et on ne voit rien de vraiment sexy qui tire parti des capacités graphiques uniques de Vista. Les tous derniers jeux restent compatibles avec XP, car il reste le système le plus utilisé. Rendre un logiciel compatible uniquement avec Vista, c’est se couper de 90% du marché. Et c’est un peu le serpent qui se mord la queue : sans grand logiciel, Vista ne se vend pas, et sans marché de Vista assez large, les éditeurs ne se risquent pas à employer ses capacités…

À contrario, Apple a un avantage sur Microsoft : la rupture avec son passé a déjà été faite il y a quelques années, et ses frameworks sont désormais très sophistiqués. Pour les développeurs, il est désormais trivial de créer des applications à l’esthétique léchée, aux animations sophistiquées. Et ils ne se gênent pas pour le faire ! Prenons la suite iLife : non seulement les capacités de Leopard sont utilisées pour créer des compositions d’images sophistiquées, mais les fonctions implémentées ne pourraient parfois pas exister sans les technologies de Leopard, comme Core Animation. Les différents effets des palettes dans iMovie, les diaporamas léchés d’iPhoto sont des exemples simples mais très efficaces pour impressionner le public. Même une application comme Photo Booth, sous son aspect rigolo, cache un véritable moteur d’animation super puissant, et c’est d’ailleurs pourquoi je conseille souvent aux vendeurs d’utiliser ce dernier comme logiciel par défaut sur un Mac : c’est une excellente vitrine technologique.

Un autre point important : l’intégration. On achète un Mac non seulement à cause du logiciel, mais aussi par le lien entre le matériel et le logiciel. Ce lien n’existe toujours pas chez Microsoft, qui reste juste le constructeur du système. Tant que Microsoft ne fera qu’édicter des normes, elle ne pourra que constater les dégâts des torpilles lancées par des sociétés comme Apple et Google pour démonter sa crédibilité (si vous n’êtes pas convaincu, regardez du côté des Windows Phone pour constater que le mot débâcle n’est pas vain).

Le lancement de Windows 7 ne changera donc effectivement pas grand chose pour Apple, à moins que Microsoft décide de changer la donne et de se lancer réellement dans des logiciels qui tirent vraiment parti de Seven, en oubliant vraiment XP. Là, Apple pourrait avoir un petit peu peur… Et encore : elle dispose désormais d’une marge de manœuvre impressionnante, ne serait-ce que par son compte en banque ou son assise sur le marché de la vente numérique, et parce qu’elle a sûrement bien compris que ceux qui veulent s’occuper sérieusement de leur logiciel devrait aussi fabriquer leur matériel, comme le disait Alan Kay et l’a répété Steve Jobs. Aujourd’hui, l’évolution du marché de l’informatique n’est plus dictée par Microsoft, et finalement, je comprendrais que ça fasse un petit peu peur à Steve Ballmer. Le pire, c’est que lui croit toujours qu’il est invincible… On en reparle dans un an ?

Màj : juste au moment où je poste cet article, l’immanquable John Gruber poste un billet fort proche du mien sur certains points, en insistant sur le fait que Microsoft vend des licences logicielles et Apple des ordinateurs, ce qui est fort différent…

10 commentaires sur “Pourquoi les ventes de Mac ne seront pas menacées par Windows 7”

  1. Chuuut ! Si Microsoft lis ça, ils vont (peut-être) se mettre à avoir des réactions intelligentes ! ;)

  2. Excellente analyse, il est vrai que le logiciel a sa part d’importance…

    Mais Microsoft ne risque t-il pas d’avoir l’interdiction de mettre des logiciels comme la suite iLife, de la même manière que l’UE lui a demandé de ne plus proposer IE??

  3. En lisant l’article, une autre image m’est venu, celle de IE, et par extension les sites web à qui l’ont peu également appliquer le principe du serpent qui se mort la queue. Puis il y a eu Firefox qui à déclenché une prise de conscience, et c’est mieux

    Laissons le temps passer, et sans doute qu’on observera le même schéma avec les OS :)

  4. « sans grand logiciel, Vista ne se vend pas, et sans marché de Vista assez large, les éditeurs ne se risquent pas à employer ses capacités ».
    D’où l’intérêt, essentiel, de convaincre les développeurs _avant_ le lancement d’un OS. A chaque nouvel OS, Apple invite sur scène des dévs qui expliquent qu’ils ont porté leur appli en utilisant les nouvelles technos et que c’est « super facile ». Même si tout le monde se doute bien que c’est exagéré, jusqu’ici ils ont réussi à convaincre les dévs d’utiliser les nouvelles fonctionnalités de chaque OS, et le serpent ne s’est jamais mordu la queue.

  5. Mac/OSX de fait ne risquent rien puisque Apple est seulement sur le marché « at home » (le marché professionnel est un marché de niche), dans un contexte d’éco-système mis au point pour un renouvellement de plus en plus fréquent des produits Apple.
    C’est le Mac / OSX / Mobile.me / iPod / iPhone et les produits dérivés sur iTunes store.
    Sont arrivés les Apple Store qui devront faire du chiffre pour compenser les investissements élevés pour avoir une « visibilité » dans les meilleurs endroits, et il faut que cela dure sur le temps.

    Microsoft c’est plusieurs marchés : le marché « at home », celui des entreprises et celui des grands comptes (et industriel) et cela pour plusieurs constructeurs de PC/Serveurs.
    Malgré cela Windows 7 ne feras certainement pas un carton en entreprise dans les semaines suivant sa disponibilité, la crise étant encore bien présente, mais courant 2010 et si la crise s’estompe le taux de pénétration de windows 7 devrait retrouver son niveau actuel (XP).
    Et puis après la crise passée, je doute qu’une DSI ait envie en plus de changer l’OS voir le PC de remplacer tout son parc d’applications tierces ou métier à supposer qu’elles existent sur une autre plate-forme.

  6. Oui mais…
    Quand un grand éditeur comme Adobe – hyper prescripteurs dans le monde de la PAO – reste avec du vieux code qui ne tire pas partie du 64 bits de Snow Leopard (Photoshop), développe du pdf toujours + puissant et souple sur Windows et de + en + buggé sur Mac voir l’article de M. Milic
    http://www.milic.com/indesign/
    – parce que, on s’en doute, développer pour Windows est devenu développer pour la majorité et donc la priorité, n’y a-t-il pas lieu de penser qu’un pan entier pourrait finir de basculer du côté obscur. A moyen terme, j’en conviens, mais le risque est me semble-t-il réel.
    D’autant plus que, on a beau dire, mais passer à Snow Leopard, c’est aussi refaire le point sur toutes les applications qui restent compatibles et se devoir de racheter toutes celles qui sont caduques ou qui ne demandent qu’à n’en tirer profit.
    Encore une fois c’est le portefeuille qui fera juge de paix.

  7. Ce qui a beaucoup bloqué le développement de Vista, c’est surtout le refus des entreprises à l’intégrer dans leur parcs. L’incompatibilité de leur applications métiers, la gestion des poste différentes (Merci l’UAC!… j’en rigole encore, mais c’est vraiment pas drôle), le hardware à mettre à jour… cela fait beaucoup.
    Là ou cela me surprends plus, c’est le bon accueil de Windows 7 auprès des professionnels. C’est vrai que le matraquage médiatique sous-jacent en est pour beaucoup. On entend partout : « C’est vrai, Vista avait des problèmes, mais ils ont été corrigés pour 7 ». Pour l’avoir manipuler avec entrain, je dois dire qu’ils n’ont pas tort. La rapidité, la fluidité sont là, et ça tourne très bien, même sur des config un peu anciennes. Ça m’a même bluffé au début par la réactivité du système.
    Maintenant, reste toujours le problème d’incompatibilité des applications métiers et les problèmes de driver (ça aussi opn connait), et pour la migration, c’est on efface tout et on recommence. Pour les grosses boites, ce sera possible, mais pour les PME, ce sera une ruine en frais de technicien.
    Windows 7 a été créé pour vendre du service, de même que Office 2007 avait été créé pour vendre de la formation. C’est tout bon pour les sociétés d’informatique, mais ce n’est pas ce public que devrait viser M$, d’autant que ces même sociétés utilisent des copies « qu’on leur a prêtées ». Donc je dirais « Wait and See »

  8. Je te rejoins tout à fait sur l’idée de la Killer App. Ce que j’ai trouvé très chouette en switchant pour le Mac c’est iLife (l’incroyable iMovie sur un Mac mini G4) et spotlight qui permet de trouver très facilement n’importe quel fichier.
    Pour moi la killer app de Leopard, c’est Time Machine. Enfin le backup (et la récup des données) à la portée de mes parents.

    Microsoft a aussi ses Killer App. Ms Office a fait vendre Windows au point que je connaissait pas mal de gens qui confondaient Office et Windows (mais oui Môôssieur, j’ai Windows 97 sur mon ordi)
    Le problème est que de nos jours, les killer app de Ms deviennent rares.

    A propose de Windows Vista : l’interface graphique comportent pleins d’effets mais beaucoup de servent à rien. Qu’une fenêtre apparaisse ou disparaisse par transparence ne donne aucune valeur ajoutée à l’utilisateur. Si un effet génie indique à quel endroit elle est minimisée, l’utilisateur obtient une information visuelle qui lui facilite le travail lorsqu’il doit retrouver la fenêtre à restaurer.

    L’approche de l’interaction homme-machine est complètement différente sur Mac et Vista. D’un coté on a du sobre et efficace, de l’autre côté on a du flashy, très jeu vidéo, mais pas toujours pertinent.
    Les fenêtres Mac OS sont grises et leur contenu est souvent coloré. Sur Vista les fenêtre sont multicolores avec de jolis dégradés verts-bleus et ne se différencie parfois pas facilement de leur contenu.

    Je suis très vite repassé à l’interface Classique sur mon PC Vista pourtant assez performant pour utiliser tous les effets visuels.

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