L’iPad, l’ordinateur anti techno-logique

Dire que l’iPad est en train de faire bouillonner la blogosphère, voire le web tout entier est un euphémisme. Et plus je lis les commentaires, plus je crois qu’on fait tous fausse route, parce que nous – ceux qui lisent ce blog – sommes dans l’ensemble tous des geeks. Et pour comprendre l’iPad, il faut arriver à comprendre pourquoi Apple aime tant créer des produits de rupture technologique… ou plutôt, de rupture avec les techno-logiques.

Qui sont les techno-logiques ? Ce sont vous, moi, les gens qui lisent ce blog pour la plupart, et qui baignent dans l’informatique depuis des années. Des gens qui ont appris à manier une souris, un clavier, et qui en on fait parfois leur passion, leur métier. Des gens qui calculent l’intérêt technologique d’un produit en fonction de ses caractéristiques techniques : « Ah ouais, mais le PC machin il a 3 GHz alors que l’autre en a que 2,8, et en plus moi sur mon téléphone Samsoul j’ai un clavier avec des vraies touches alors tu comprends, hein, pour moi qui fait du mail toute la journée c’est indispensable, alors ton iFaune hein… ».

Les techno-logiques, ce sont aussi les gens qui testent les produits, qui le dissèquent, le critiquent, et le jugent par rapport à l’existant, selon des matrices prédéfinies, et selon leurs propres usages. Ce sont ceux qui aiment Excel, parce qu’on peut faire des macro super balaises avec, ou adorent le clavier du Blaquebeuri parce qu’il leur permet de taper des e-mails super vites en étant tout le temps connectés.

Mais le succès de l’iPad ne se fera pas avec ce public, qui souhaite voir toujours plus de fonctions dans un produit, en envisageant ce qu’il ne fait pas, tout en oubliant ce qu’il fait mieux que les autres.

Le meilleur testeur de l’iPad, c’est effectivement celui que les cokinous de Mac4Ever ont surnommé iMamy, en hommage à iPapy (très beau poisson d’ailleurs, vous remportez évidemment le trophée Findus, les gars !). Et vous savez quoi ? Ils ont parfaitement raison. D’ailleurs, ils visent totalement juste lorsqu’ils parlent de l’ordinateur du troisième âge. Sauf que je parlerais plutôt du troisième âge de l’informatique :
Premier âge : l’interface programmeur, ligne de commande, courbe d’apprentissage (trop) élevée ;
Deuxième âge : l’interface graphique, clavier + souris, courbe d’apprentissage relativement peu élevée ;
Troisième âge : l’interface tactile, manipulation directe, courbe d’apprentissage quasi-nulle.

Les vieux de la vieille (ahem) qui ont connu les premiers Mac se souviendront également que ces ordinateurs étaient souvent considérés avec mépris, comme des jouets, parce qu’ils rendaient accessibles des concepts qui étaient auparavant réservés à une élite. Vingt ans plus tard, l’interface graphique n’a pas évolué radicalement, la plupart des concepts étant toujours en vigueur, mais la complexité s’est accentuée : d’un dossier Système contenant sept (oui, 7) éléments, on est passé à un monstre de dizaines de milliers de fichiers pesant plusieurs Go sur le disque dur. Nos souris ont fait des crises d’acnée, le clavier a gagné un pavé numérique et plein de touches de navigation pour prendre plus de place sur notre bureau.

L’iPad est le retour aux sources de la simplicité. Et il ne peut faire qu’enrager le techno-logique, qui ne peut pas comprendre pourquoi l’iPad ne gère pas le Flash, pourquoi l’iPad n’a pas de vrai clavier, pourquoi il n’est pas équipé d’une webcam. Parce qu’il sera concentré sur ce que l’iPad n’est pas, il oubliera l’essentiel : tout le monde n’est pas un techno-logique.

Le poisson et les critiques à peine voilées de Mac4Ever (car sous l’humour se cache une vraie critique, je les connais assez maintenant ;-) ) ne masquent pas la déception de cette génération techno-logique qui aurait tant voulu que l’iPad soit leur tablette. Ils espéraient un produit pour eux, manque de bol, Apple propose un produit pour « the rest of us », comme le dit souvent si bien Apple elle-même.

D’un certain côté, cela me fait furieusement penser à Nintendo et la Wii : avec cette console, Nintendo a freiné dans la course à la puissance brute, pour proposer une technologie de rupture, une interaction nouvelle, plus simple à appréhender. Cela en fait hurler certains mais la stratégie très claire de Nintendo a été couronnée de succès, au moins commercialement, en faisant sortir le jeu vidéo de l’habituel cercle des joueurs.

Et bien, l’iPad, c’est en quelque sorte la Wii d’Apple : un produit simple d’emploi, pour les non-technoïdes, qui ne cherchent pas à savoir la quantité de mémoire vive de leur ordinateur (d’ailleurs ça sert à quoi, la mémoire vive ?), mais qui veulent un objet qui leur permet de bénéficier d’Internet et de nouveaux outils sans peine. Et quoi de plus rageant pour ceux qui suivent Apple depuis tant d’années de se dire qu’elle préfère mettre ses ressources dans iPhone OS plutôt que dans Mac OS X, qui est leur outil de tous les jours, et qu’elle préfère se consacrer à l’informatique pour tous plutôt qu’à l’informatique pour eux seul… « Trahison ! », iront même crier certains. Pourtant, le travail d’Apple consiste aussi à investir de nouveaux terrains, à trouver de nouveaux clients, et à rendre ses produits et ces nouvelles technologies accessibles au plus grand nombre. Et après tout, ça n’empêche pas les techno-logiques de continuer à être fournis en produits de haute qualité, non ? La plus grosse faiblesse de l’iPad reste quand même d’être encore un périphérique de l’ordinateur : sans iTunes sur un Mac ou PC, point de combat ! Il faudra qu’Apple se décide à couper le cordon entre l’iPad et l’ordinateur classique pour lui donner toute sa légitimité. Ça n’arrivera peut-être pas demain, mais cela arrivera probablement un jour.

Un dernier point : il y a dix ans, Steve Jobs avait dessiné une matrice très simple pour la gamme Apple :

Aujourd’hui, il faudrait redessiner la gamme Apple ainsi :

Mac OS X va devenir de plus en plus le système professionnel d’Apple et un outil de production de contenus, alors qu’iPhone OS gagnera en maturité. Cependant, les deux continueront à exister, ne serait-ce que parce que Mac OS X est un terrain de jeu plus performant pour Apple. Mais je ne serais pas surpris de voir une convergence de plus en plus forte entre les deux OS avec le temps… Jusqu’à les fusionner ? Je ne sais pas. Est-ce impossible ? Probablement autant que supprimer le lecteur de disquettes, lancer un lecteur MP3 ou basculer sur processeur Intel…

L’iPad ne sera peut-être la révolution des média, mais c’est bien plus qu’un simple ordi sans webcam ou sans flash. C’est une nouvelle piste de réflexion pour Apple. Que cela se fasse avec, ou sans les Mac-fans.

12 commentaires sur “L’iPad, l’ordinateur anti techno-logique”

  1. Dans ton joli schéma, on peut même imaginer un iPad sous MacOsx…
    Si j’arrive à tenir, j’attendrais bien celui-là ;-)

  2. Salut mon biquet (lol)
    je te conseille un extrait de ce point de vue, un tantinet différent (think different?)
    mais non moins intérressant, qui pourrait compléter ton article très joliment mené sur l’ardoise magique.
    bises du sud, où le printemps commence à arriver.

    [édité par le modérateur, pas de copier coller d’autre site, merci… un lien suffira.]

  3. L’iPad signe la fin de l’ère de l’informatique. Jusqu’il y a peu, la plupart des utilisateurs d’ordinateurs avaient – par la force des choses – un minimum de compétences techniques; sauf en entreprise ou un service IT gérait la chose, l’utilisateurs ne faisant que de la saisie dans des logiciels de gestion.
    En tant qu’enseignant d’informatique à des ados, je ne vois en mes élèves plus que des consommateurs de contenus, avec des compétences techniques de plus en plus déclinantes. Il y a pas si longtemps, la plupart des ados savaient (au moins vaguement) ce qu’était de la RAM et un disque dur… et surtout à quoi ce la sert. La plupart montaient leur PC eux-même. Actuellement, la majorité ne sait plus installer un OS… ou même configurer une connexion ADSL.

    La génération screenager est arrivée. Mais contrairement à ce que l’on pensait, elle n’a aucune maîtrise technologique de son environnement. Le geek (au sens le plus pur) est en voie de disparition imminente.

    Pour la route… http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/12/18/l-autre-fracture-numerique-celle-des-16-25-ans_1282850_651865.html#xtor=AL-32280270

  4. J’adhère très fort à l’idée défendue par l’article.

    J’ai récemment vu sur le Web un publicité comparative de HP qui compare le Slate (leur tablette) à l’iPad d’un point de vue purement technique (CPU, RAM, webcam…).
    C’est à mon humble avis un très mauvais argumentaire car finalement le client ciblé va prendre les deux appareils entre les mains et comparer son expérience utilisateur.

    Faire tourner Excel sur le Windows7 du Slate n’a que peu d’intérêt car pas pratique (pas de souris, pas de vrai clavier). Surfer ou visualiser des videos sont des fonctionnalités très soignées dans iPhone OS. Je ne veux pas tuer le Slate avant sa sortie mais son succès dépendra plus du contentement des utilisateurs que de ce qu’il y a en dessous du capot.

    Le iPad est un appareil conçu surtout pour consommer des informations et beaucoup moins pour en produire. Il y a clairement un public pas très à l’aise avec un ordinateur qui devrait y adhérer.

  5. @ben …c’est jeff,
    Bravo, vous avez réussi à rendre Guillaume Gete complice de contrefaçon : copier/coller l’intégralité d’un article, sans en demander la permission, et sans citer la source est répréhensible.

    C’est d’autant plus regrettable que c’est un article qui ne présente aucun intérêt. Idolâtre, consumériste, Fisherprice, fermé (avant on disait pas compatible)… C’est un concours de clichés ou le résultat d’une vendange de commentaires sur les sites Geek ?

    L’intérêt du billet de Guillaume Gete est qu’il réfute toutes ces billevesées, il faut peut-être le lire avant de copier/coller une ânalyse.

  6. c’est exactement ce à quoi je pensais lors de sa sortie. Parfait pour mes enfants de 12 ans et mes parents de 60 ans.
    Cela n’empêche pas que je vais m’en prendre un aussi …
    Pour moi un ipad c’est un macbookair sans le clavier physique. Quand je vois ce que ma femme en fait du sien , elle aussi aura son ipad !!
    Donc : au total, steve, met m’en 7 de coté !!

  7. Ping : Serial Serveur » Blog Archive » L’iPad doit vivre sans iTunes

  8. Bonne analyse …. ça explique pourquoi je n’aime pas l’ipad , outre le côté fermé des produits d’Apple.

    ça n’empêche que je le trouve un peu cher pour juste surfer sur internet assis sur un canapé …
    Pour moi il lui manque une fonction essentielle grand public : pouvoir montrer les photos à Mamie que l’on vient de prendre avec son appareil photo ou son téléphone et qu’elle ne peut pas voir sur les écrans de ses appareils.

    Il lui manque donc un lecteur de cartes , un port usb ( avec cable rétractable usb mini dans la coque ce serait fun … ), bon c’est possible avec des accessoires ( allez 29€ en plus … ) et une fonction bluetooth de transfert de fichiers ( pas possible de transférer via bluetooth des photos/vidéos d’un téléphone portable … )

    Mais ce qui me gêne c’est l’obligation apparente de l’initialiser avec un ordinateur ayant itunes .
    Un peu comme l’iphone … seul téléphone non fonctionnel à l’allumage …

    Trop compliqué pour grand-mamie encore ….

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