Parts de marché

Il est donc acté aujourd’hui que puisqu’Apple propose une solution mobile fermée et qu’Android est ouvert (ahem), Apple est forcément condamnée à revivre le scénario des années 1990, et à revivre la même chute aux enfers. Parce qu’il est bien connu que l’histoire se répète, surtout en informatique.

La preuve : Windows Mobile est un succès écrasant aujourd’hui sur le marché des smartphones, Microsoft a écrabouillé tout le monde sur son passage, et il n’y  plus aucune société pour les combattre dans le domaine informatique. Non ? Je me serais trompé ?

Les analystes (et dans une certaine (grande) mesure, les journalistes) aiment à penser que le scénario de Windows il y a 20 ans est celui du succès et qu’il faut qu’Apple ouvre son système pour réussir à battre la concurrence. Quand bien même il y a beaucoup plus d’exemples de sociétés qui ont perdu, puis gagné à nouveau du terrain, alors que la domination de Microsoft via Windows est la véritable exception des technologies numériques.

Apple est devenue en moins de 10 ans l’une des plus grandes entreprises au monde en terme de capitalisation boursière sans pour autant avoir adopté Windows sur toutes ses bécanes 1. Et si on regarde de près, la suprématie de Windows n’a pas été particulièrement ébranlée sur les machines de bureau, où Linux ne perce que très timidement. Alors qu’il est tout aussi « gratuit » qu’Android pour les téléphones portables, non ?

Autre point amusant : continuer d’entendre qu’Apple aurait du licencier Mac OS dès 1985. Alors que le Mac était une architecture totalement différente du PC de l’époque, avec des écrans de bien plus haute résolution, et une ROM matérielle qui comportait la moitié de l’OS, donc un système totalement incompatible avec la technologie PC de l’époque. En 1995, Apple a autorisé des constructeurs à sortir des clones de Mac. Cela a failli la tuer. À la même époque, elle dépendait d’un OS en bout de course et sans aucun successeur (Copland était un fatras sans aucun vrai chef de projet).

De même, comme le rappelle ce billet, il existe de nombreux marchés où il n’y a pas eu de vainqueur bien défini, comme celui des jeux vidéo. Et c’est une très bonne chose : cela évite à chacun de dormir sur ses lauriers, la concurrence étant motrice d’innovation technologique. Dans les années 90, Nintendo dominait le marché jusqu’à l’arrogance, puis s’est prise une claque avec la PS 1 puis 2, Microsoft a débarqué, a dégainé le premier sur le marché des consoles « Next-Gen » avec la Xbox 360, alors que Nintendo revenait comme innovateur avec la DS puis la Wii.

Ce qui a sorti Apple du gouffre, ce n’est pas d’avoir tout abandonné à Windows : c’est de créer des nouvelles machines, de sortir des sentiers balisés, d’innover, de tracer sa voie sans écouter ceux qui avaient forcément raison. Si on avait écouté ces mêmes personnes, un produit comme l’iMac n’aurait jamais pu sortir2 et Apple aurait du prendre une licence de Windows NT 4 dès 1996 tout en enterrant Mac OS. Selon ces mêmes personnes, l’iPod aurait été un échec, et face au BlackBerry, l’iPhone, sans clavier, n’aurait eu aucun succès. Quand à l’iPad, c’est un gros iPod touch, personne ne veut utiliser ça pour remplacer son ordinateur.3

À vrai dire, je trouve presque cette volonté d’uniformisation des pensées (« allez tous vers Android ! » après « Allez tous vers Windows ! ») presque inquiétante. Comme si il fallait absolument qu’il n’y ait qu’UNE solution universelle dirigée par UNE compagnie. Alors qu’on a très bien vu ce qui se passait quand une seule compagnie faisait la pluie et le beau temps, et en particulier le frein à l’innovation que cela devenait…

Donc : la concurrence d’Android est bonne. Mais la disparition de toutes les plate-formes ne serait pas une bonne chose. Mettre tous les pouvoirs dans les mains d’une seule société qui en a déjà beaucoup ne serait peut-être pas une bonne idée… Que cette société soit Google ou Apple.

  1. Certes, on peut installer Windows sur un Mac, mais ce n’est pas l’élément déclencheur qui a permis aux ventes de Mac d’accélérer depuis quelques années. L’arrivée de Mac OS X et d’iLife ont été les deux événements les plus significatifs à mon goût
  2. « Pas de lecteur de disquettes ! Pas de SCSI ! USB, mais c’est quoi ça ! »
  3. Quand bien même Apple a bien expliqué qu’il s’agissait d’un produit entre l’iPhone et le Mac.

4 commentaires sur “Parts de marché”

  1. Moi je vois plutôt ça comme ça :
    Apple c’est un peu ce que la Ferrari est à l’automobile, à savoir le produit haut de gamme et design accompagné d’un gros marketing. Mais ni Apple ni Ferrari ne visent 100% du marché.
    Microsoft, c’est différent, ce serait un constructeur dont le produit est abordable mais dont les pièces ne sont pas interchangeables, çàd qu’une fois que tu as une voiture microsoft, tu dois acheter des pneus microsoft :|. Ceci dit l’avantage c’est que ta voiture est produite en très grande série et n’est donc pas trop cher. Par contre l’inconvénient c’est que ta voiture ne te ressemble pas vraiment et si tu la tunes, elle devient très vite moche voir inutilisable.
    Enfin Android ou Linux, ce serait un groupe de constructeur dont les pièces sont interchangeables et pour ce faire, ils décident de mettre en place un standard ouvert qui définit les différentes tailles de pneus utilisables, les différents entraxes de roues de manière à ce que n’importe quel constructeur puisse produire des pièces (Apple et Microsoft compris). Bien évidemment dans ce cas là l’implémentation de référence est souvent très importante et si l’acteur majeur est très impliqué, on obtient des produits très aboutis.

    Bref la question de la stratégie Apple ne se pose pas, Apple n’a pas les gênes pour pénétrer plus de 20% du marcher. Ils le font temporairement lorsqu’ils lancent un produit inédit (iPod, iPhone, iPad) mais très vite leurs innovations sont reprises par les autres constructeurs et les innovations (autre que marketing ou design) sur le produit ne permettent plus de le différencier suffisamment.

  2. Bonjour la morosité…et le manque total de diversité,…s’il n’y avait que Gougle et le petit Crosoft !
    Cela me rappelle une autre vie e, URSS avec les Kombinats qu’i ne fabriquaient que des pieds droits les années paires et…les pieds gauches les années impaires. Bonjour pour avoir une paire de la bonne taille.

    Membre de l’amicale des amis d’Apple depuis 1980…84 pour mon premier Mac…je pense, à postériori, que l’une des mauvaises périodes d’Apple a justement été celle où Jobs a accepté que des concurrents ne fabriquent des clones !

    Apple y a perdu sa spécificité.

    Allez Banzaï… :-)

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